Le pétrole non conventionnel effraye les rentiers
Date
28 décembre 2014
Source
Publication Quotidien Le Soir d’Algérie, édition du 28 décembre 2014
Depuis un siècle, jusqu’aux débuts des années 2000, le prix nominal du baril de pétrole a toujours oscillé dans une fourchette allant de 1 à 40 dollars. Les pics maximum ou minimum sont habituellement causés par des conditions géopolitiques ou des raisons techniques ponctuelles.
A titre d’exemple, le premier pic avoisinant les 100 dollars fut engendré par la révolution iranienne et la guerre Iran-Iraq vers l’année 1980 tandis que la crise économique asiatique de 1999, associée à une forte production du brut irakien, a fait dégringoler le prix sous la barre des 10 dollars avant de reprendre une envolée vers 30 dollars à partir de 2004 suite aux grèves des pétroliers vénézuéliens et à l’instabilité politique dans ce pays, membre influent de l’OPEP. Depuis, le prix du baril n’a cessé de croître, notamment en 2005 quand l’ouragan Katrina a ravagé les installations du golfe du Mexique et a contraint la Maison-Blanche à puiser dans ses réserves de stock. Les attaques des sites pétroliers au Nigeria, en 2006, ont également fait chuter la production de 600 000 barils par jour, propulsant ainsi les prix à plus de 50 à 60 dollars. Le prix du baril grimpe à 70 dollars en 2007 puis 110 dollars en 2008 avant d’atteindre le pic historique de 147 dollars au mois de juillet de la même année.
Durant cette dernière décennie, riche en facteurs haussiers, l’économie mondiale s’est donc progressivement adaptée à un prix de pétrole de plus en plus cher, dépassant les 100 dollars le baril durant les 3 ou 4 années écoulées. Mais il n’est de plus naïf que celui qui imaginait que le prix du baril ne redescendra plus jamais en dessous de ce seuil. Depuis le shale gas boom de 2008 qui a fait chuter le prix du gaz de 12 ou 13 dollars/million BTU en 2006 à seulement 2 ou 3 dollars/million BTU sur le marché spot américain actuellement, comment ne pas s’attendre à une chute du prix du pétrole avec, cette fois-ci, le shale Oil boom. Les compagnies américaines ont en effet tendance à se tourner de plus en plus vers le pétrole de schiste dont le prix de vente offre une meilleure rentabilité comparativement au gaz de schiste. Depuis l’année 2011, le nombre d’installations de forage pour le gaz de schiste a été divisé par quatre aux Etats-Unis, alors que les installations pour le pétrole de schiste ont été multipliées par sept faisant chuter les budgets du gaz de schiste de 50% en 2013, passant de 54 milliards de dollars en 2012 et seulement 26 milliards de dollars en 2013.
Si les facteurs géopolitiques et techniques ont toujours un impact ponctuel, et donc passager sur le cours du marché pétrolier, ce dernier risque une déprime relativement plus prolongée avec le développement du pétrole non conventionnel d’autant que ses réserves sont en majorité en possession de pays NOPEP énergétivores et à court de pétrole conventionnel, à l’exception du Venezuela et de la Libye, membres de l’OPEP, qui disposeraient d’importantes réserves de tar sand et shale oil et de shale oil respectivement, mais non encore exploitées.
Le pétrole non conventionnel dans le monde
Le pétrole non conventionnel ne se limite pas uniquement au pétrole de schiste mais consiste en 4 ou 5 types distincts (tight oil, huiles extra lourdes, sables bitumineux, schistes bitumineux et pétrole de schiste). Les principaux gisements restent les «sables bitumineux» et le «pétrole de schiste» avec des réserves totales en place avoisinant les 10 000 milliards de barils dont 700 milliards de barils seraient récupérables par les techniques actuelles.
Les réserves récupérables des «sables bitumineux» (tar sand), estimées à 305 milliards de barils, sont concentrées dans deux régions du monde en l’occurrence le Canada (185 milliards de barils) et le Venezuela (120 milliards de barils), tandis que 80% des réserves de pétrole de schiste se cantonnent dans une short list d’une dizaine de pays dominés par la Russie, les Etats-Unis et la Chine et dans laquelle figurent uniquement deux pays de l’OPEP (le Venezuela et la Libye) qui détiennent 11% des réserves.
Le Canada reste le premier producteur de pétrole de sables bitumineux avec 2 millions de barils par jour (mbj), soit 44% de sa production totale. Il produira 4 mbj d’ici à l’année 2022. La production cumulée jusqu’à ce jour avoisine les 9 milliards de barils. Ainsi, rien ne semble pouvoir arrêter de sitôt cette industrie, devenue de plus en plus rentable avec des techniques d’extraction pouvant porter le taux de récupération des bitumes à 50% et du pétrole à plus de 10%, abaissant ainsi le coût de production à 18-20 dollars/baril par extraction minière et à 20-22 dollars par extraction in situ. Les Canadiens y ont investi plus de 130 milliards de dollars depuis l’année 2000. La production mondiale attendue en 2030 avoisinera les 8 mbj et concernera le Canada, le Venezuela, les Etats-Unis et certains pays de l’Europe. En plus de leur rentabilité plus élevée que celle du pétrole de schiste, les sables bitumineux fournissent un pétrole de très haute qualité, parfois mieux prisé pour les besoins des raffineurs que le pétrole conventionnel.
S’agissant du pétrole de schiste, la première exploitation a commencé en 1837 à Igornay (Autun, France) et s’est développée juste avant la Seconde Guerre mondiale en raison de l’accès limité aux ressources de pétrole conventionnel. La rentabilité et la qualité du pétrole de schiste français ont conduit à la construction d’une raffinerie à Télots et qui n’a été fermée qu’en 1957 après avoir servi de source de carburant pour l’armée française contre les troupes allemandes.
En 1986, le président américain Ronald Reagan ratifie la Consolidated Omnibus Budget Reconciliation Act of 1985 (loi budgétaire de 1985), qui, entre autres, abolit le programme de recherche sur les carburants synthétiques liquides mais pas pour longtemps puisque cette industrie redémarre en 2003 avec un ambitieux programme de développement autorisant non seulement l’extraction de schistes bitumineux mais aussi les sables bitumineux sur les terrains fédéraux dans le cadre de l’Energy Policy Act (loi sur la politique énergétique). L’accélération de l’exploitation à partir de 2010 fait passer la production du seul gisement de Bakken de 400 000 barils par jour (bj) en 2011 à un (1) mbj en 2013. Cette production qui représente 11,5% de la production totale américaine, atteindrait son pic de 2 mbj en 2023. Avec l’exploitation d’autres gisements comme celui d’Eagle Ford au Texas, qui produit 1,4 mbj, soit un peu plus de la production algérienne, les Américains s’apprêtent à devenir le premier producteur mondial de brut avant de voir leur production décliner pour retrouver le niveau de 2010 vers 2050.
Comme pour le gaz de schiste, beaucoup de pays ont emprunté la voie américaine et dès l’année 2008, le Brésil, l’Argentine, la Chine, l’Estonie, l’Ukraine et la Russie ont renoué avec leurs projets de pétrole de schiste pendant que d’autres commencent à évaluer leurs ressources. Mais contrairement au pétrole des sable bitumineux, le pétrole de schiste est moins rentable à cause de la nécessité d’un traitement plus long, entraînant un accroissement du coût de production (une tonne de schiste ne peut produire que 0,5 à 1 baril de pétrole). Selon les prévisions de l’OPEP, la production du pétrole non conventionnel (sables et schistes bitumineux réunis) atteindra 8 mbj en 2020 et 13 mbj en 2030, soit, respectivement, 8% et 12% de la consommation mondiale.
Le pétrole, l’épine dorsale des rentiers
Les pays rentiers sont grosso modo les membres de l’OPEP car il est connu que la contribution du secteur pétrolier dans le PIB des pays industrialisés ne dépasse pas 5% à 10% alors que 80 à 90% des revenus de beaucoup d’Etats pétroliers proviennent des hydrocarbures lesquels représentent 40 à 60% du PIB à l’exception du Koweït et du Qatar qui ont su développer un modèle économique relayant l’industrie pétrolière.
Historiquement, ce sont d’abord les multinationales, organisées en cartel vers les années 1930, qui contrôlaient les lois de l’offre et la demande du fait qu’ils assuraient l’essentiel des opérations pétrolières dans le monde, détiennent les technologies les plus sophistiquées et mettent sur le marché d’énormes quantités de brut sans trop se soucier de sa déprime. Les chutes dramatiques du prix du baril excitèrent alors un réflexe au sein de pays exportateurs qui décident de s’organiser, à leur tour, autour d’un objectif contrecarrant la politique des multinationales pour la stabilisation des prix. Ainsi est née, le 10 septembre 1960, à l’initiative du Venezuela, lors d’une réunion à Baghdad une autre génération de cartel, en l’occurrence l’ Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), regroupant, dans un premier temps, l’Irak, l’Iran, l’Arabie Saoudite, le Koweït et bien entendu le Venezuela. Elle s’est ensuite élargie à d’autres pays : le Qatar (1961), l’Indonésie (1962), la Libye (1962), les Emirats arabes unis (1967), l’Algérie (1969), le Nigeria (1971), l’Equateur (1973) et le Gabon (1975) qui a quitté l’organisation dans les années 1990. L’OPEP compte, aujourd’hui, 12 membres, avec l’adhésion de l’Angola le 1er janvier 2007.
Même si la discipline a fait parfois défaut au sein de cette organisation, la naissance de cette dernière est venue à un moment opportun, caractérisé par une demande très accrue, liée au boom économique des années 1960. De par ses réserves conventionnelles qui représentaient en ce moment-là 79% des réserves de la planète, l’OPEP a réussi à remodeler le paysage économique mondial et imposer un bras de fer aux producteurs non OPEP (NOPEP) et notamment le bloc OCDE qui consomme beaucoup plus qu’il n’en produit. Le pouvoir de l’OPEP a vu son apogée dans les années 1970 quand sa production assurait 55% de la demande mondiale. Cette organisation a réussi à édifier un marché de type producteur-vendeur à la faveur d’un prix du baril répondant largement à la souveraineté des états membres pendant qu’augmentaient les besoins des pays consommateurs.
Et le schiste fractura l’OPEP !
Aujourd’hui, avec l’entrée en lice du pétrole non conventionnel et notamment l’augmentation récente de la production du pétrole de schiste américain, l’histoire semble se refaire. C’est au tour des consommateurs et multinationales d’imposer, en quelques sortes, les règles de la politique pétrolière mondiale sachant que les plus grosses réserves de pétrole non conventionnel que recèle la planète se trouvent dans les pays Nopep de l’OCDE. Ainsi, le prix du baril sera inévitablement à la baisse tant que cette production persiste et gagne en part de marché. En effet, la chute actuelle de 34% du prix du baril, de 105 dollars en juin 2014 à 66 dollars actuellement, malgré les tensions géopolitiques (offensive des islamistes de l’EIIL en Irak, la guerre en Syrie, etc.), coïncide avec l’escalade du pétrole non conventionnel issu des schistes du Texas, en particulier, même si la faible croissance économique en Chine et en Europe ont leur part de responsabilité.
Le souhait des pays les plus touchés par cette déprime du marché (l’Algérie, la Libye et le Venezuela) de diminuer les quotas de production pour redresser les prix n’a pas trouvé d’écho lors de la réunion de l’OPEP du 27 novembre 2014. La stratégie de l’OPEP, qui ne détient plus que 75% des réserves mondiales de pétrole, de ne pas réduire sa production semble répondre au souci de perdre de sa part de marché qui est de 33% alors qu’elle était de 55% dans les années 1970. Mais la véritable raison est ailleurs.
L’Arabie Saoudite, en imposant la guerre des prix par le maintien du quota de l’organisation à 30 mbj pour faire chuter le prix du baril et envenimer ainsi la rentabilité du pétrole de schiste américain, semble avoir oublié le coup du gaz de schiste, «rentabilisé» par l’Administration américaine par des subventions visant à limiter au maximum les importations. L’OPEP, par la voix de son secrétaire général, le Libyen Abdalla El-Badri, situe à environ 80 dollars le seuil de rentabilité du pétrole de schiste américain, ce qui n’est pas de l’avis de Harold Hamm, le patron de Continental Resources, pour lequel un seuil de 70 dollars correspond au coût «full cycle» des Capex, incluant l’acquisition du terrain et les infrastructures de base pour l’ensemble des forages. Toujours selon ce patron, comme pour répondre aux partisans de la guerre des prix imposée par l’OPEP, le pétrole de schiste du gisement de Bakken reste profitable à moins de 50 dollars le baril, voire 40 ou 30 dollars dans certaines régions. Avec le pétrole de schiste, plus rentable que le gaz, les Américains semblent avoir plus de marge de manœuvre pour mieux réussir ce pari même avec des prix au- dessous de 50 dollars le baril sur une période d’au moins 5 ou 6 ans durant laquelle ils vont pouvoir changer entièrement le paysage énergétique en créant des problèmes de revenus aux pays rentiers où la paix sociale combinée avec les mouvements djihadistes en Syrie, en Iraq, voire au Maghreb, n’attend que cette petite goutte qui fait déborder le vase. L’Arabie Saoudite, qui n’en est pas épargnée, aura ainsi réussi à programmer une véritable bombe à retardement au sein des pays rentiers du cartel.
Jusqu’à quel seuil peuvent survivre ces pays si la production des schistes irait à maintenir sa progression dans les semaines ou mois à venir ? L’OPEP, qui aura ainsi perdu de sa crédibilité, n’aura pas d’autre issue que de revenir à la réduction de ses quotas avec le recours possible aux «amis» Nopep qui voudraient bien sacrifier quelques barils comme ce fut le cas vers la fin des années1980 quand le prix du brut plongeait côtoyait les 10 dollars. Mais cette mesure n’aura d’effet positif pour les pays OPEP que si la réduction opérée avoisinait la production des schistes, auquel cas ce seront les revenus des rentiers qui endureront le coup. Quelle que soit la mesure qui sera adoptée par l’OPEP, son impact sur la production des schistes texans ne peut se sentir avant plusieurs mois du fait que ce pétrole inonde déjà le marché américain comme en témoigne la baisse des importations de 8,7 mbj depuis l’année 2006 dont 1 mbj en 2013 en provenance de l’Arabie Saoudite. L’apport du pétrole des schistes incite non seulement les Etats-Unis à limiter les importations mais aussi d’envisager des exportations vers 2018-2019. Il est vrai que les réserves de pétrole de schiste (335 milliards de barils) ne représentent que 24% des réserves conventionnelles (1 400 milliards de baril) mais l’embarras pour l’OPEP est que les réserves de schiste sont détenues par une poignée de consommateurs Nopep qui peuvent s’auto suffire de longues années durant sans le recours au pétrole de l’OPEP.
Chasser le conventionnel, il revient au galop
Comme pour le gaz, le pétrole non conventionnel issu des schistes est bien là. Il a réussi à chasser un équivalent volumétrique du marché conventionnel et en casser les prix. Mais, comme le gaz de schiste, aussi, le pétrole de schiste a une durée de vie très limitée comparativement au type conventionnel. Pour l’heure, le pétrole de schiste est produit à pleine capacité par les Etats-Unis mais finira par atteindre son pic au plus tard dans les 3 ou 4 années à venir avant d’amorcer son déclin pendant que les 75% des réserves mondiales de pétrole conventionnel détenues par l’OPEP continuent à être produites à l’économie (par quotas). Leur pic ne sera atteint que dans une cinquantaine d’années pour s’épuiser quarante années plus tard au rythme actuel de leur production. Ce n’est donc ni le pétrole de schiste ni le les sables bitumineux qui vont aider les besoins mondiaux à atteindre 105 mbj à l’horizon 2030-2040. Malgré le boom spectaculaire du pétrole non conventionnel aux Etats-Unis, l’administration Obama annonçait tout récemment que la production américaine de pétrole plafonnera en 2016 et amorcera son déclin en 2020. Ceci étant, un retour du pétrole conventionnel dans les prochaines années et, partant, le raffermissement du prix du baril, est plus qu’une certitude.
En attendant, le pétrole de schiste pourrait baisser épisodiquement le prix du baril mais certainement pas en-dessous de son coût réel d’extraction, seuil à partir duquel il faut s’attendre à une trêve d’extraction à la faveur d’une remontée du prix. Les Etats-Unis eux-mêmes ne voient pas dans le pétrole de schiste un substitut au pétrole conventionnel ni une solution à long terme mais seulement une issue de secours pour les gros consommateurs quand le prix du baril s’envole et rend le pétrole de schiste rentable. Tant que les réserves de ce dernier ne sont pas encore épuisées, toute remontée du prix du baril est synonyme du retour en force de leur production et inversement. Nous allons donc assister à un jeu de yoyo «pétrole de schiste-pétrole conventionnel» sur une période qui n’excédera pas une dizaine d’années.
Pour rappel, après le premier choc pétrolier de 1973 (guerre du Kippour et atteinte du pic pétrolier américain en 1971), quand les pays arabes ont décidé d’augmenter le prix du baril de 70%, la production de schiste bitumineux dans le monde a atteint rapidement un pic de 900 000 barils par jour en 1980 avant de retomber à 300 000 barils par jour en 2000 suite à la baisse des prix du pétrole conventionnel dans les années 1980.
La décision de l’OPEP de maintenir ses quotas lors de la réunion du 27 novembre dernier semble avoir, tout de même, du caractère. Elle pourrait avoir un effet négatif sur le pétrole de schiste si sa production continue à croître. Cela se traduira par une hausse substantielle de l’offre et donc par une possible chute du prix du baril qui, avoisinant le coût d’extraction du pétrole de schiste fera cesser de couler ce dernier. Il reste à savoir à quels seuils la guerre des prix prendrait fin. Mais avec l’arrivée de l’hiver, la demande pourrait facilement éponger l’offre et il va falloir attendre le printemps prochain pour espérer une relance concrète des prix. En attentant, beaucoup de pays rentiers, dont l’Algérie, doivent prendre leur mal en patience.
Et l’Algérie dans tout ça ?
Sur le plan énergétique et donc financier, l’Algérie est déjà à la croisée des chemins depuis une décennie. Après le pic de 75 millions de tonnes en 2004, la production de pétrole (mélangé à du condensat) a chuté sous la barre des 65 millions les années d’après puis à 60 millions de tonnes en 2012, soit une dégringolade de 20% en 8 ans. Qui dit production dit consommation interne et exportations. Avec ses 38 millions d’habitants et un parc roulant de 6 à 7 millions de véhicules, l’Algérie est le quatrième consommateur d’énergie en Afrique avec l’équivalent d’un peu plus d’une tonne équivalent pétrole (1,15 tep) par habitant et par an, derrière l’Afrique du Sud (2,8 Tep), la Libye (2,18 tep) et le Gabon (1,25 tep). Il est clair que l’appétit énergétique de l’Algérie semble un peu démesuré comparativement à ces pays si on sait que l’Afrique du Sud est la première économie (hors hydrocarbures) du continent avec un PIB de 11 600 dollars par habitant (malgré ses 48 millions d’habitants) pendant que la Libye et le Gabon (pays pétroliers), avec respectivement 6 millions et 1,7 million d’habitants, ont des PIB de 12 300 et 16 700 dollars par habitant (données année 2013). Le PIB algérien tourne seulement autour de 5 000 à 6 000 dollars par habitant (l’un des plus bas dans l’OPEP). La consommation locale d’hydrocarbures en Algérie ne cesse d’augmenter d’année en année avec, par exemple, ce saut de 230 000 barils par jour de pétrole en 2004 à 350 000 barils par jour en 2012, soit une croissance de 4.3% par an. Conséquence de la décroissance de la production et de l’émergence du marché intérieur, les exportations de pétrole ont chuté d’environ un (1) million de barils/jour en 2005 à 700 000 barils/j en 2012 et celles du gaz de 64 à 54 milliards de mètres cubes, c’est-à-dire une diminution des volumes exportés de 36% pour le pétrole et 16% pour le gaz.
Mais, en dépit du recul manifeste des volumes d’hydrocarbures exportés, l’Algérie n’a jamais engrangé autant de recettes comme durant la décennie écoulée avec un total avoisinant 600 milliards de dollars du fait de la bonne tenue du prix du baril qui a grimpé de 54 dollars en 2004 à 112 dollars en 2012 (une moyenne de 83 dollars/baril pour la décennie). La contribution du gaz naturel dans les recettes globales n’était que de 35% et celles du pétrole qui totalisent 400 à 410 milliards de dollars ne sont pas une panacée pour autant. Elles ont juste servi à couvrir les importations qui ont cumulé jusqu’à 360 milliards de dollars sur la décennie, laminant ainsi le solde commercial. Comme un malheur ne vient jamais seul, la chute du prix du baril depuis le mois de juin 2014, à cause essentiellement du pétrole de schiste, est venue mettre l’Algérie dans une situation très critique où tous les voyants macroéconomiques sont au rouge.
Alors pourquoi l’Algérie a-t-elle plaidé pour une diminution des quotas lors de la réunion de l’OPEP du 27 novembre dernier sachant qu’une coupure d’un baril de pétrole va vibrer directement dans la situation macroéconomique déjà précaire puisque, grossièrement, une chute de un dollar du prix du baril fait perdre au pays jusqu’à 500 millions de dollars de recette. L’Algérie aurait donc perdu, de juin à novembre 2014, près de 18 milliards de dollars, soit 36% des recettes de pétrole de 2013 et 27% des recettes totales de la même année.
Les retombées du développement des hydrocarbures non conventionnels, tant encouragé par l’Algérie, commencent à pénaliser sévèrement les pays rentiers de l’OPEP, et l’Algérie en particulier, au profit des énergétivores, lesquels ne peuvent que se frotter les mains.
M. S. B.