OPEP- réunion d'Alger: certains paramètres éloignent les chances d'un consensus sur le gel
Date
24 septembre 2016
Source
Quotidien national d’information Reporters du 23/09/2016
Reporters : Un gel de la production est, selon vous, très peu probable lors de la réunion informelle de l’Opep à Alger. Pourquoi ?
Med Saïd Beghoul : Il y a un problème de timing. La tenue de cette réunion OPEP, élargie à des non-OPEP, dont la Russie, et qui ambitionne de sortir avec un consensus sur le gel de la production, a commencé à nourrir les médias depuis le 8 août dernier et, c’est paradoxalement durant ce même mois d’août, qu’en dehors de l’Algérie et du Venezuela, qui militent en faveur de ce gel, les autres pays ont pratiquement tous annoncé leur intention d’augmenter leurs productions dans les semaines ou mois à venir.
N’est- ce pas énigmatique ? Chez les gros producteurs, l’Arabie saoudite n’a pas l’intention de perdre sa part de marché, l’Iran produit actuellement 3.8 millions barils par jour et veut d’abord atteindre sa production d’avant-sanctions (4 Mbj) et la Russie qui pompe près de 11 Mbj envisage d’atteindre 11.3 Mbj l’an prochain et semble intéressée, à Alger, beaucoup plus par sa part de marché gazier en Europe que par la seule préoccupation des prix du baril. La Russie sait que l’arrivée du GNL américain au Portugal permettra à l’Europe de réduire jusqu’à 30% sa dépendance au géant Gazprom. Tout cela éloigne les chances d’un consensus sur le gel. Je pense que le secrétaire général de l’OPEP est aussi de cet avis, quand il a fait savoir, il y a trois jours, que cette réunion n’est qu’une réunion de concertation et non de prise de décisions. Cela ressemble beaucoup à une manière d’anticiper l’échec de cette réunion. Même si consensus il y a, les prix resteront à l’écoute de la seule production américaine. On verra, au lendemain de la réunion, que les prix resteront au même niveau.
N’y a-t-il pas comme une sorte de contradiction que l’Algérie envisage d’augmenter sa production de pétrole en 2016 et son activisme pour convaincre ses pairs de réduire leur production ?
M.S.B- Sonatrach a fait savoir très récemment qu’elle va augmenter sa production (pétrole et gaz) dès 2016 en procédant à l’exploitation de certains gisements non encore développés. Le ministre de l’Energie, M. Bouterfa, fixe à 30% cette augmentation d’ici à 2020. Déjà que notre production est en déclin, j’imagine mal comment est-ce possible si dans le même temps on défend le gel, qui durerait une année, selon les dernières déclarations. Bouterfa venait aussi de dire qu’une diminution de la production mondiale de 1Mbj est nécessaire pour hisser les cours… tous les producteurs sont concernés et l’Algérie ne peut faire exception. Personnellement, j’aimerais savoir si, parfois, on sait de quoi on parle.
Les regards seront braqués particulièrement sur le trio : Iran, Russie et Arabie saoudite. Peut-on s’attendre à un accord entre ces pays ?
M.S.B- Effectivement, ça va se jouer, pour ne pas dire se décider, entre ces trois pays qui restent divisés sur tous les plans -politique, stratégique, lutte pour les parts de marché, etc. Il n’y aura pas de concessions de l’un envers l’autre, notamment entre les deux frères ennemis, perses et wahhabites. La Russie, elle, s’individualise de par la recherche de ses intérêts dans la gestion des sanctions de l’UE à son encontre concernant la crise en Ukraine, d’une part, et de la défense de sa part de marché gazier menacée par l’arrivée du GNL américain à la porte de l’Europe, au Portugal, d’autre part. Je ne pense pas que la Russie, l’Iran et l’Arabie saoudite puissent trouver un terrain d’entente qui soit conséquent.