Marché pétrolier: Quand ressurgiront les désaccords
Date
18 décembre 2016
Source
Le Soir d'Alger Édition du 18 décembre 2016
C’est désormais officiel, après quelques jours de suspense, les producteurs non Opep viennent de tenir leur promesse en contribuant avec une réduction de 558 000 b/j à l’issue de la réunion du 10 décembre dernier, avec les pays de l’Opep. Ces derniers, réunis le 30 novembre à Vienne, dans le cadre de la 171e conférence de l’organisation, étaient arrivés à s’entendre, pour la première fois depuis 2008, sur une coupe de production de 1,2 million b/j à compter de janvier 2017, production qui sera gelée à 32,5 millions b/j durant six mois reconductibles. L’importance de cet accord entre les deux parties (Opep et non-Opep) réside dans l’implication de 22 pays producteurs dont 11 non-Opep (Azerbaïdjan, Bahreïn, Brunei, Guinée équatoriale, Kazakhstan, Malaisie, Mexique, Oman, Russie, Soudan et Soudan du Sud) qui contrôlent 60% de la production mondiale. Nous avons toujours dit que l’élimination de l’excédent de l’offre par une réduction de la production équivalente au surplus sur le marché constitue une des solutions majeures pour enrayer la chute des prix. Cette réduction totale d’environ 1,8 million b/j, si elle arrive à être respectée, permettra d’absorber l’actuel excédent (environ 1,5 million b/j) et générer un déficit de la demande de 300 000 b/j à la faveur des prix. Mais l’environnement et les conditions qui ont gouverné ces accords ont alimenté notre scepticisme quant à l’aboutissement total de l’opération.
En effet, chaque partie a montré ses cocasseries qui pourraient mettre l’accord en péril. D’abord, la décision des pays du cartel reste aussi étonnante que spectaculaire comme le sont les attitudes caméléonesques et enfantines des principaux acteurs (l’Arabie Saoudite, l’Iran et l’Iraq) qui, à quelques heures seulement de la réunion du 30 novembre, s’entre-tiraient à boulets rouges pour quelques barils de plus ou de moins, faisant douter sur la possibilité d’un accord, et ce, depuis la réunion d’Alger du 28 septembre dernier. L’Irak qui insistait pour qu’il soit exempté en raison de la guerre contre l’Etat islamique et qui pompait, selon ses chiffres, pas moins de 4,77 millions b/j à la veille de la réunion, a finalement accepté le chiffre du comité des experts de l’Opep qu’il contestait (4,51 millions b/j) et de réduire sa production
de 210 000 b/j, à 4,3 millions b/j, bien que son ministre ait déclaré, peu avant la réunion, que la production de son pays ne peut en aucun cas descendre à moins de 4,70 millions b/j. L’Iran, qui demandait à l’Arabie Saoudite de baisser sa production, augmentée à l’occasion des sanctions internationales contre Téhéran, et qui s’entêtait fermement à ne pas geler la sienne avant de recouvrer son niveau d’avant sanctions (4,2 millions b/j), vient d’accepter allégrement le plafond de 3,9 millions b/j. Quant à l’Arabie Saoudite, elle a réduit sa production de 486 000 b/j tout en autorisant son grand rival iranien à augmenter la sienne de 90 000 b/j durant le premier semestre 2017. Or, il y a à peine quelques jours, le royaume a menacé de boycotter la réunion de Vienne et d’augmenter sa production à 11 ou 12 millions b/j, si l’Iran refuse de geler la sienne à 3,7 millions b/j.
Ces pays ont réussi à maintenir le suspense, défier et brouiller les cartes des meilleurs analystes du marché, deux mois durant, pour finalement se mettre subitement d’accord en baissant le rideau sur leur bluff une fois réunis autour d’une même table. Chacun se croit sorti vainqueur mais pas pour la même raison. L’Iran pour «avoir maté» son rival saoudien («Victoire pétrolière de l’Iran à l’Opep» et «Echec de la diplomatie pétrolière de Riyad», selon un quotidien iranien).
Le royaume, rusé, est content de n’avoir réduit sa production que dans le cadre d’une routine saisonnière du fait de la faible demande interne pour les besoins de la climatisation à la fin de l’été en Arabie Saoudite, puis, avec sa chasse au faucon, il avait profité de la baisse de la production iranienne, sous embargo, pour augmenter la sienne de plus de un (1) million b/j, et sa réduction de 486 000 b/j est loin d’être une perte notamment si les prix augmentent.
L’Algérie, poids plume de l’Opep, et qui n’a d’autre réflexe que de récolter l’impact diplomatique voit sa victoire dans l’adoption, par le cartel, de sa proposition, taquinée d’ailleurs par le royaume saoudien avec la complicité de la Russie, bien que ladite proposition ne soit pas celle de l’Algérie mais celle d’un comité composé d’experts du Koweït, du Venezuela, de l’Algérie et de deux experts non Opep dont la Russie.
Enfin, pour le ministre qatari de l’Energie et président de la conférence, «c’est un accord historique…», etc. Et voilà que tout le monde est content après une longue guerre de déclarations.
Force est de se demander à quoi sert tout ce cinéma, dont les acteurs principaux, le royaume wahhabite et la Russie, auraient, discrètement et en aparté, orchestré pour soigner leurs intérêts plutôt que ceux du cartel. Le ministre saoudien, Al Falih, et son homologue russe, Alexander Novak, ont révélé avoir travaillé ensemble depuis presque une année, pour préparer, secrètement, le contenu de cet accord.
Les dernières retouches de la «réunion Opep-Russie» ont eu lieu bien avant le 30 novembre, par téléphone, entre Riyad et Moscou et tout aurait été bouclé la veille de Vienne. Cela expliquerait pourquoi l’Arabie Saoudite a annulé subitement la rencontre Opep-non-Opep du 28 novembre et la non-participation de la Russie à celle du 30 novembre et pourquoi la Russie, qui a toujours parlé d’un éventuel et modeste gel, a instantanément opté pour une alléchante coupe de 300 000 b/j. Comparativement aux autres producteurs, les quotas de réduction de ces deux pays restent insignifiants devant leurs productions qui totalisent près de 22 millions b/j, soit 23% de la production mondiale et toute augmentation des prix du baril sera beaucoup plus bénéfique pour ces deux pays que pour le reste des producteurs, notamment ceux à faibles capacités de production, comme l’Algérie. Pour atténuer l’effet de leurs réductions, l’Arabie saoudite et la Russie ont poussé leurs productions à des records avant les réunions de Vienne (11,2 millions b/j pour la Russie et 10,7 millions b/j pour le royaume ).
La production saoudienne a atteint son record en novembre-décembre et le quota de sa réduction devrait donc être de 700 000 b/j (et non de 500 000 ou 486 000 b/j) pour qu’elle honore ses engagements pris lors de l’accord de l’Opep avec un gel de sa production à 10,058 millions b/j. On comprend mieux pourquoi le ministre saoudien de l’Energie vient de «lâcher du lest» en déclarant, après la réunion du 10 décembre, que son pays est disposé à faire d’autres coupes si nécessaire.
La stratégie de l’Arabie Saoudite à travers l’accord de l’Opep se focalise sur son ambitieux programme, appelé «Vision 2030», sur la diversification de son économie, une alternative aux recettes pétrolières, qui consiste à développer, dans un premier temps, ses infrastructures pétrolières par l’augmentation de 33% du nombre des forages pétroliers (à 1 200 puits) et de 50% pour les forages gaziers (à 600 puits) d’ici 2025, ce qui va permettre au royaume d’engranger quelque 334 milliards de dollars et entamer l’exploitation de son onéreux gaz de schiste dans de meilleures conditions financières. Mais les Saoudiens savent que ce programme ne peut aboutir sans des prix du baril assez raisonnables, ce qui explique pourquoi le royaume, qui avait longtemps soutenu une politique de prix bas pour évincer les schistes américains, vient de changer de stratégie en se montrant curieusement généreux et en cherchant à impliquer tout le monde, y compris les non-Opep, dans le processus de raffermissement des prix pour combler, au plus vite, le profond fossé de son déficit budgétaire creusé depuis juin 2014 avec cette histoire des schistes. Mais l’histoire des schistes est loin d’être finie.
Les Saoudiens ne trouveront pas mieux que les Américains pour faire exploiter leurs propres schistes avec la complicité de la Russie que Donald Trump admire un peu. Donald Trump vient de choisir comme secrétaire d’Etat le patron d’ExxonMobil, Rex Tillerson, qui est un grand ami de la Russie, pour y avoir travaillé, et de Vladimir Poutine en particulier.
Donald Trump vise à mettre le groupe ExxonMobil sur le grand projet pétrolier en Arctique russe si les sanctions contre la Russie étaient levées. Et la boucle est bouclée. Il y a de quoi se demander si l’accord de Vienne, sur fond égocentrique par-ci et nébuleux par-là, tiendra longtemps la route.
Les risques d’un repli des prix
Au lendemain des accords sur les réductions des productions (Opep et non-Opep), le marché doit rapidement et positivement réagir. Si pour une coupe Opep de 1,2 million b/j les prix sont montés de 10 dollars, la contribution des non- Opep par 558 000 b/j ne les fera monter, en principe, que d’environ 5 dollars et vont se contenter d’osciller entre 55 et 60 dollars, un signal relativement faible au vu de la coupe totale qui représente pourtant 120% de l’offre excédentaire. Cela témoigne de la prudence du marché quant au respect de ces accords, en attendant leur mise en application effective à compter de janvier 2017. Il est clair que le marché a bien pris note des décisions de Vienne et les prix vont désormais se focaliser sur la façon et le climat dans lesquels ces accords vont évoluer. Les prix se sont d’abord envolés de 17% en passant de 47 dollars, la veille de la réunion du 30 novembre, à plus de 55 dollars la veille de la réunion du 10 décembre, mais sans pour autant dépasser ce seuil. Puis voilà qu’ils poursuivent leur ascension en gagnant encore, jusqu’ici, 2 ou 3 dollars suite à la décision des non-Opep de chasser du marché l’équivalent de la croissance de la demande chinoise et indienne en 2017. Si après l’entrée en vigueur des accords (janvier 2017) les prix resteront à ce niveau, peu décent, les producteurs engagés dans ces accords commenceront à tirer, chacun, la corde vers soi.
Ce sera le début d’une tricherie précoce qui sera inévitablement suivie d’un ébranlement des accords.
De plus, les attitudes caméléonesques de certains membres du cartel, tout au long de la préparation de la réunion cruciale de Vienne, restent une menace pour le deal intra-Opep en matière de respect des quotas. Historiquement, les membres du cartel ont toujours triché et failli à leurs engagements. Entre la réunion d’Alger et celle de Vienne, alors qu’ils savaient qu’une coupe va être opérée, les gros producteurs de l’Opep ont fait le plein en portant la production du cartel de 33,6 à 34,2 millions b/j avant de fixer son gel à 32,5 millions b/j. Mais avec l’accélération de la production des pays exemptés (Nigeria et Libye), dans si peu de temps l’Opep risque de produire au-delà de 32,5 millions b/j auquel cas, qui des pays du cartel doit réduire sa production pour maintenir ce plateau ? Déjà, la Libye vient d’annoncer qu’elle hissera sa production de 600 000 à 900 000 b/j dans un futur proche.
L’Opep n’aura plus aucune chance de faire appel, à nouveau, aux producteurs non Opep. Ces derniers, avec leurs contributions, tirées par les cheveux pour certains, ont déjà ouvert le champ aux producteurs du cartel de disposer d’une large marge de manœuvre pour pouvoir tricher aisément et dépasser leurs quotas.
Cette tricherie, reconnue aux membres de l’organisation, risque de décevoir et démotiver les non-Opep, notamment ceux ayant sacrifié difficilement un bout de leur production pour les beaux yeux du cartel.
Même après la réunion de Vienne des zones d’ombre planent toujours sur l’accord comme cette sortie du Venezuela qui, contestant le chiffre de l’Opep servant de base pour le calcul de son quota de réduction (-95 000 b/j), vient d’annoncer qu’il va produire 500 000 b/j de pétrole des sables bitumineux mais qui ne seront pas concernés par l’accord de réduction. Le Venezuela estime en outre que sa production est de 2,316 millions b/j et non de 2,067 million b/j comme arrêtée par les experts de l’Opep, soit une différence de 250 000 b/j.
Par ailleurs, dans les pays Opep engagés dans l’accord sur la réduction, des majors produisent jusqu’à 4 millions b/j dont BP (800 000 b/j), Total (670 000 b/j), Shell (586 000b/j), Eni (500 000b/j), ExxonMobil (563 000 b/j), Chevron (200 000 b/j), etc.
Il n’est pas évident que tous les majors, également affectés par la déprime du marché, se soumettront totalement et longtemps aux directives du pays hôte.
Côté non-Opep, on ignore si les prix vont être sensibles à la réduction de la production russe, qui sera probablement étalée progressivement sur le premier semestre 2017. De plus, cette réduction sera proportionnellement répartie sur l’ensemble des compagnies du pays qui ont pourtant présenté récemment leurs plans visant à ouvrir davantage leurs vannes. Les majors opérant en Russie risquent de voir leurs productions et revenus compromis, ce qui pourrait aussi fragiliser l’accord. En Russie, les productions des groupes BP (800 000 b/j), Shell (100 000 b/j) et ExxonMobil (100 000 b/j) totalisent 1 million b/j et en plus BP détient une participation de 20% dans Rosneft, le deuxième plus grand producteur de pétrole russe après Lukoil.
Il est aussi important de noter que certains pays non Opep n’ont pas réduit délibérément leurs productions mais c’est un déclin naturel de leurs gisements qu’ils font passer pour une contribution volontaire. C’est le cas du Mexique (100 000 b/j), Azerbaïdjan (35 000 b/j), Oman (40 000 b/j) et Brunei (10 000 b/j), tandis que d’autres réductions résulteraient de fortes pressions diplomatiques, à l’exemple du Kazakhstan dont la modeste contribution de 20 000 b/j reste insignifiante devant la mise en production du gisement géant Kashagan en octobre dernier. Tout cela ne fait qu’amortir l’impact d’une partie de la réduction non Opep et qui pourrait s’estomper partiellement à tout moment pour une raison ou pour une autre. Historiquement, la contribution des producteurs hors Opep a toujours été peu engageante et notamment en périodes de crises.
Le dernier accord Opep-non-Opep remonte à novembre 2001 quand les prix ont glissé de 27 à 18 dollars, comme conséquence des attentats du 11 Septembre. L’Opep et les non-Opep avaient alors réduit, respectivement, leurs productions de 1,5 million b/j et 600 000 b/j. Mais cet accord n’a permis qu’une consolidation des prix autour de 19 dollars, soit un niveau très inférieur à l’objectif de l’Opep qui était de 25 dollars par baril.
Un autre écueil pour l’accord de l’Opep est qu’il va constituer une opportunité pour les producteurs des schistes américains, notamment dans les quatre principaux bassins (Bakken, Niobrara, Permian et Eagle Ford ) où, même avec un minimum d’appareils de forage, le niveau de production peut encore être maintenu du fait que, maintenant, avec la technologie et une bien meilleure maîtrise des coûts, la production journalière par puits varie entre 400 et 800 barils/j, soit 1 à 2 millions b/j par gisement. Les producteurs américains, profitant de la levée, en décembre 2015, de l’interdiction des exportations de leur pétrole et de l’élection de Donald Trump comme président pro-exportateur, vont essayer de gagner des parts de marché au détriment de l’Opep, non seulement en Europe, mais surtout en Asie où la demande est appelée à croître en 2017 (notamment en Inde), d’autant plus que le pétrole WTI américain, de meilleure qualité que le Brent et plus facile à raffiner, est mieux convoité en Asie. L’Arabie Saoudite, ne pouvant rester insensible à ses parts de marché asiatiques, où elle faisait des rabais pour les préserver, sera excitée pour offenser l’accord.
Tout compte fait, même si les accords Opep-non-Opep feront monter les prix à plus de 60 dollars, le rebondissement des schistes et de la production américaine ne tarderont pas à rendre caduque la stratégie du cartel et faire rechuter les prix à 50 dollars, seuil qui reste très confortable pour la rentabilité de la majorité des gisements de schiste. Sachant qu’il faut en moyenne trois à quatre mois pour que les forages de schiste retrouvent leur résilience, les prix pourraient commencer à descendre sous la barre des 50 dollars vers la fin du premier trimestre 2017, soit deux mois avant l’expiration de la période de gel arrêtée par l’Opep. Mais le rebond des schistes américains pourrait bien être plus rapide du fait qu’en plus des puits en production, il y a, actuellement, plus de 5000 puits déjà forés mais non complétés (ce que les producteurs américains appellent «Drilled But Uncompleted Wells»-DUCs) et n’attendent qu’une stabilisation des prix vers 50 dollars pour être complétés et mis en production.
Avec une durée de forage ne dépassant pas 20 jours et une rentabilité à 30 dollars le baril, le bassin Permien de Delaware qui produit 40% du pétrole de schiste américain peut à lui seul contrebalancer, en si peu de temps, la stratégie de l’Opep. L’éventuelle reconduction de la coupe pour six autres mois, à partir de mai prochain, serait sans beaucoup d’effet sur l’alimentation des stocks qui contrôlent les prix depuis 2011 et surtout que leur niveau actuel avoisine les 500 millions de barils, soit 300 millions de barils de plus que leur niveau d’il y a cinq ans.
La régulation du marché par l’Opep passe nécessairement par un équilibrage entre l’offre et la demande avec, en plus de l’élimination de l’excédant sur le marché, l’absorption de ces 300 millions de barils en surstock, une rude épreuve pour le cartel du fait que la moyenne hebdomadaire du grossissement des stocks est de 1,5 million de barils, soit 200 000 barils par jour et leur absorption totale et irréversible ne peut se concrétiser avant quelques années étant donné que les schistes continueront encore à produire, bien qu’en déplétion dans certains bassins.
Sur le plan mondial, les capacités de stockage et de raffinage de la Chine étant saturées, les importations pétrolières sont appelées à se rétrécir de 60% l’an prochain. Elles n’augmenteront que de 5 à 9% en 2017 contre 11 à 14% pour l’année 2016, ce qui contribue à mettre des quantités supplémentaires de pétrole sur le marché. Par ailleurs, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la production mondiale augmentera d’au moins 1,4 million b/j en 2017 pour atteindre 97,6 millions b/j. Mais avec l’entrée en production de nouveaux gisements, dont le géant Kashagan, au Kazakhstan, avec des réserves récupérables de 13 milliards de barils, soit plus que les réserves de toute l’Algérie, la production mondiale risque d’atteindre ou dépasser les 98 millions b/j avec le rebond de la production de pétrole des sables bitumineux canadiens qui a toujours sa part sur le marché nord-américain. La coupe décidée, jusqu’ici, par l’Opep et les non-Opep, et qui ne représente que 2% de la production mondiale, a toutes les chances d’être partiellement à totalement contrebalancée. Si le cartel s’amuse à reconduire périodiquement la même coupe, cette dernière ne sera plus suffisante pour absorber l’offre excédentaire d’autant plus que les non-Opep auront consommé leurs périodes de gel et il n’est pas évident qu’une reconduction arrangera tout le monde. Le cartel sera contraint de voler avec ses propres ailes soit en opérant une coupe au moins égale à l’excédent de l’offre, ce qui reste improbable vu les besoins des pays membres, soit reprendre les armes pour déclarer, à nouveau, la guerre aux schistes, c’est-à-dire revenir à la case départ. Si tel est le cas, continuer à faire partie de l’Opep relèvera de la pure absurdité.
L’Algérie, ce grand perdant
Comme toujours, on a l’impression que l’Algérie porte, seule, toute l’Opep sur les épaules. Elle reste, curieusement, la plus fidèle au cartel et la plus excitée s’agissant des actions et initiatives à entreprendre pour «sauver les intérêts» de l’organisation, à se demander à quelles fins. Pourtant, en matière de réserves, elle occupe la 11e place (sur 13 membres, Indonésie non comprise) avec moins de 10 milliards de barils, soit 0,8% des réserves de l’organisation et la 10e place en production de pétrole brut (sans condensat) avec 960 000 b/j, soit 2,8% de la production du cartel.
Depuis la réunion d’Alger, du 28 septembre dernier, alors que le citoyen algérien cherche comment rajouter un trou à sa ceinture pour venir à bout des mesures draconiennes de la loi de finances 2017, les responsables et certains médias algériens n’ont ménagé aucun effort pour crier haut, à qui veut les entendre, la «victoire remportée par l’Algérie dans les transactions diplomatiques» en tant qu’«acteur-clé» dans la médiation entre les frères ennemis de l’Opep.
Est-ce cela qui va améliorer le quotidien du citoyen algérien ou sauver ce qui reste de l’économie du pays ? Même si les prix remontent à plus de 60 dollars, cela ne changera absolument rien à la situation économique du pays sachant que le prix de 120 dollars le baril est le Break Even Price (BEP) pour l’équilibre budgétaire algérien.
La confrontation du prix du baril au revenu annuel, sur les 15 dernières années, montre que l’augmentation du prix d’un dollar sur l’année entière apporte en moyenne 600 millions de dollars de plus.
Si ces accords de Vienne font monter les prix de 10 à 15 dollars pour les situer entre 55 et 60 dollars durant 2 mois (le temps que les schistes rebondissent et fassent chuter les prix), les recettes supplémentaires seront d’environ un milliard de dollars, ce qui ne représente que 4% du déficit budgétaire mais peut couvrir, néanmoins,… les frais de la 15e réunion ministérielle du Forum international de l’énergie (IEF), tenue à Alger du 26 au 28 septembre 2016 et les frais du périple effectué dans diverses capitales par notre ministre de l’Energie pour sauver l’«accord» d’Alger.
Il est grand temps d’en finir avec les discours triomphalistes, vides de contenu, de retrousser les manches pour travailler sérieusement l’agriculture, le tourisme et tous les secteurs économiques et oublier, ne serait-ce qu’un moment, de parler pétrole du matin au soir, en passant des nuits blanches à attendre ce que sera le prix du baril le lendemain. Ce n’est ni l’Opep et sa réduction, ni celle des non-Opep, ni ces épisodiques et éphémères augmentations des prix qui vont changer notre misère en fortune. C’est dommage que c’est au sein de l’élite du pays qu’on croit pouvoir sauver son économie par quelques dollars de plus.
M. S. B.