L’UE propose un embargo sur le pétrole russe pour « faire payer le … prix fort » à Vladimir Poutine
Le Monde avec AFP et Reuters, Publié le 04 mai 2022
Cet embargo progressif doit être approuvé par tous les pays membres, mais la Hongrie dit ne pas avoir de « garantie » pour sa sécurité énergétique. Parmi les autres sanctions prévues, l’exclusion de Sberbank, la plus grande banque russe, du réseau Swift.
Après avoir décidé d’un embargo sur le charbon russe début avril, Bruxelles propose d’arrêter d’ici à six mois les importations de pétrole russe – qui représente un quart environ des importations de pétrole de l’Union européenne – a annoncé mercredi Ursula von der Leyen.
« Nous renoncerons progressivement aux livraisons russes de pétrole brut dans les six mois et à celles de produits raffinés d’ici à la fin de l’année », dans le cadre d’un sixième paquet de sanctions contre Moscou visant à tarir le financement de la guerre contre l’Ukraine, a-t-elle déclaré devant les eurodéputés à Strasbourg. « Il s’agira d’une interdiction complète des importations de tout le pétrole russe, transporté par voie maritime ou par oléoduc, brut et raffiné (…) de façon ordonnée, d’une manière qui nous permettra de mettre en place d’autres voies d’approvisionnement », a-t-elle expliqué.
« Ce ne sera pas facile. Certains Etats sont fortement dépendants du pétrole russe. Mais nous devons tout simplement y travailler », a plaidé Ursula von der Leyen, devant le Parlement européen. « Nous exercerons ainsi une pression maximale sur la Russie, tout en réduisant au minimum les dommages collatéraux pour nous et nos partenaires », a-t-elle estimé.Dépendance européenne au pétrole russePart du pétrole russe dans les importations hors UE de chaque pays de l’UE, en valeur au 1er semestre 2021 (les échanges intra-européens ne sont pas pris en compte dans ces données).
La Hongrie inquiète
Selon plusieurs responsables et diplomates européens, le projet de la Commission – soumis dans la nuit aux Etats membres – prévoit une exemption pour la Hongrie et la Slovaquie. Ces deux pays, enclavés et totalement dépendants des livraisons par l’oléoduc Droujba, pourront continuer leurs achats à la Russie en 2023, a précisé l’un de ces responsables.
Après l’annonce de la présidente de la Commission européenne, Budapest a réagi, mercredi, en pointant que la proposition d’un embargo européen progressif sur le pétrole russe ne propose aucune « garantie » pour la sécurité énergétique de la Hongrie. « Nous ne voyons pas de plan concernant la manière de réussir une transition sur la base des propositions actuelles et sur ce qui garantirait l’énergie sécuritaire de la Hongrie », a commenté le service de presse du gouvernement interrogé par l’Agence France-Presse.
« Chaque nouveau paquet de sanctions contre la Russie est plus difficile à adopter, car il impose des choix politiques à chaque Etat membre. L’unanimité est nécessaire et rien n’est garanti pour son adoption », a souligné un des responsables européens.
La dépendance au pétrole russe est, en effet, très diverse, selon les pays de l’UE : celle-ci s’élève à plus de 75 % des importations extra-européennes pour la Finlande, la Slovaquie, la Hongrie et la Bulgarie. Ce niveau est compris entre 50 et 75 % pour la Pologne et la Lituanie, et entre 25 et 50 % pour l’Allemagne, les Pays-Bas, la République tchèque et la Roumanie. Pour la France, cette dépendance est contenue sous 25 %, de même que pour l’Espagne, l’Italie et la Grèce.L’extrême dépendance européenne aux hydrocarbures russes au premier semestre 2021. Provenance du gaz importé dans l’UE en % du volume total : Russie (48,4), Norvège (18), Algérie (13,2), USA (5,8), Qatar (4,4), Reste (10,2). Provenance du pétrole importé dans l’UE en % du volume total : Russie (25,4), Norvège (8,7), Kazakhstan (8,7),Libye (8,1), USA (8) Reste (41,1)- Source : Eurostat
« Diversifier les sources, les approvisionnements et les bouquets énergétiques prend du temps et nécessite des infrastructures », souligne Eric Maurice, directeur de la Fondation Schuman à Bruxelles. Mais les achats européens financent l’effort de guerre de la Russie, a rappelé, mardi, le président du conseil italien, Mario Draghi, devant le Parlement européen.
Exclusion de trois banques russes de Swift
Bruxelles propose également d’exclure trois banques russes supplémentaires, dont Sberbank, de loin le plus gros établissement du pays (environ un tiers du secteur bancaire), du système financier international Swift.
Dans le cadre des sanctions de l’UE, sept établissements russes ont été privés d’accès à Swift, plate-forme de messagerie sécurisée permettant des opérations cruciales comme le transit d’ordres de paiement et d’ordres de transfert de fonds entre banques. « Nous frappons des banques d’une importance systémique essentielle pour le système financier russe et la capacité de destruction de Poutine. Cela renforcera l’isolement total du secteur financier russe », a souligné Mme von der Leyen.
Le chef de l’Eglise orthodoxe russe, le patriarche Kirill, soutien affiché de la guerre contre l’Ukraine, figure au nombre des nouvelles personnalités sur la liste noire de l’UE avec la famille du porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov et de nombreux militaires soupçonnés de crimes de guerre à Boutcha, selon la proposition consultée par l’Agence France-Presse. « Nous adressons, ainsi, un autre signal fort à tous ceux qui mènent la guerre du Kremlin : nous savons qui vous êtes, et vous devrez rendre compte de vos actes », a lancé Ursula von der Leyen, lors de la présentation des grandes lignes de ce sixième train de sanctions aux députés européens réunis à Strasbourg.
La proposition a été transmise, dans la nuit de mardi à mercredi, aux Etats membres appelés à les valider. Elle doit être approuvée à l’unanimité. Des noms peuvent être retirés et des propositions atténuées, a-t-on expliqué de source diplomatique. L’objectif affiché est une entrée en vigueur pour la célébration de la 72e Journée de l’Europe, le 9 mai. Cette date est également célébrée en Russie comme le « jour de la victoire » sur l’Allemagne nazie.
Blocage de l’accès à des radiodiffuseurs russes
La Commission propose aussi de bloquer l’accès aux ondes européennes à trois grands radiodiffuseurs d’Etat russes, qui se verraient interdits de distribuer leurs contenus dans l’UE par câble, satellite, Internet ou applications sur smartphone.
« Nous avons identifié le rôle d’organes de propagande de ces chaînes de télévision, qui amplifient d’une manière agressive les mensonges de Poutine. Nous ne devons plus leur laisser le champ libre pour les répandre », a fait savoir Mme von der Leyen, sans plus de précisions.
Le Monde avec AFP et Reuters